Recherche d’emploi en Norvège : « Bien souvent le culot paye »

Nell P.

Nell Pawlowski est une jeune femme française, qui vit en Scandinavie depuis plus de 10 ans (Suède puis Norvège). Elle travaille aujourd’hui en tant que Consultante en ressources humaines et est responsable particulièrement du recrutement international pour pourvoir aux besoins locaux avec des profils internationaux.
Interview depuis Oslo où il faisait -9 degrés et +30 degrés à Singapour, dans laquelle Nell partage son expérience et ses conseils à la Communauté des Femmes Expatriées Audacieuses.


#1 – Peux-tu nous parler de comment tu as trouvé du travail ici à Oslo ?

Mon premier poste s’est fait avec l’entreprise de mon mari qui a fait passer mon CV au service RH de son entreprise. Ils m’ont appelé pour passer un entretien : j’y suis allée et me suis présentée. Quelques jours plus tard, ils m’ont rappelée pour me proposer un poste alors qu’à l’origine, ils ne cherchaient personne.
Mon deuxième poste, j’ai envoyé des CV et des lettres de motivation, mais ça ne marchait pas vraiment. Alors j’ai décidé de contacter directement des agences de recrutement en leur envoyant un email dans lequel je me présentais, leur dire que j’étais intéressée par leur structure, et que j’aimerais les rencontrer pour échanger avec eux. Un directeur d’une agence de recrutement m’a répondu en m’invitant à venir discuter mais il me prévenait qu’il n’avait pas de poste actuellement. J’y vais et on discute. Il trouve mon profil intéressant mais me confirme qu’il n’a pas de poste actuellement. Trois semaines plus tard, il me rappelle et me dit qu’il a un collègue qui est en congé maladie, et me demande de reprendre le processus de recrutement avec mon futur manager. J’ai passé l’entretien et j’ai eu le poste.
Pour mon poste actuel, j’ai répondu à une annonce. A dire vrai, elle était assez vague en termes de missions, ils recherchaient plus une personnalité. Là, le processus de recrutement a été plus formel avec 3 entretiens et différents tests (de logique, personnalité et 2 cas pratiques).

#2 – Comment décrirais-tu la culture Norvégienne ?

Il y’a un code moral très ancré en Scandinavie, la « Janteloven » (la loi de Jante) et qui est implicitement acceptée par tous au sein de la communauté. Ce code se reflète dans les situations personnelles mais aussi professionnelles dans la vie de tous les jours. Elle signifie entre autres que tu ne dois pas croire que tu es meilleur que quelqu’un d’autre ou encore que tu es plus spécial qu’une autre personne.
Donc c’est très important de faire attention à comment on se positionne quand on interagit avec les gens. Par exemple, pour les entretiens d’embauche, il est important de s’habiller de la même façon que son futur manager. Pas plus, pas moins. Donc si vous percevez un décalage lors du premier entretien (pour celui-ci, personne ne vous en tiendra rigueur), il est important d’ajuster votre tenue lors du deuxième entretien.
Dans la même lignée, la critique n’est pas du tout dans la culture scandinave. Les Français doivent donc faire attention à cette habitude qu’ils ont de souvent exprimer leur insatisfaction et critiques. Je constate, depuis que je vis en Scandinavie que les Français se plaignent beaucoup : ils se plaignent du système médical, du fonctionnement général de la Norvège, des Norvégiens qu’ils trouvent froids, ils se plaignent de la météo, du froid, de la nuit qui tombe tôt, ils se plaignent beaucoup de la France aussi…
Dans la sphère professionnelle, beaucoup d’opportunités se créent par le contact et le culot. La Norvège est un petit pays qui a beaucoup à apprendre en matière de leadership, donc ils sont ouverts aux personnes qui ont envie et qui sont ambitieuses. Bien souvent le culot paye : les gens sont plus prêts à t’écouter et à discuter.
Le modèle de vie ici, favorise l’équilibre entre vie pro et vie perso. Les horaires sont flexibles, on travaille généralement de 8h à 16h. La vie de famille est très importante, il n’y as pas vraiment de course à la carrière comme on peut voir en France.
Le statut professionnel ne signifie pas grand-chose ici. Vous n’êtes pas plus respecté parce que vous êtes le directeur ou le manager. Les Scandinaves sont aussi généralement très modestes.

#3 – Pour réussir leur recherche d’emploi, quels sont tes conseils pour les Femmes Expatriées Audacieuses ?

Un conseil, en lien avec ce que je viens de dire plus tôt, est de ne pas hésiter pas à contacter directement les personnes en entreprise car tous les postes ne sont pas diffusés. Il est important de cibler les personnes qui ont un pouvoir de décision dans le recrutement, dans votre domaine. Par exemple, si vous cherchez un poste dans la Logistique, c’est bien de cibler le chef du département Logistique ou le directeur de l’entreprise, si la taille de l’entreprise est petite.
Il faut savoir qu’en Norvège, vous pouvez créer votre propre poste. Quand vous contactez les personnes et que vous parvenez à bien vous « vendre », les décideurs peuvent vous dire : « Ok, on te donne ta chance pendant 6 mois ». Après, c’est à vous de faire vos preuves !

#4 – En rentrant un peu dans les détails, quels sont tes recommandations pour obtenir ces rencontres ?

Formulez clairement votre objectif pour cette rencontre : « Je veux me présenter et en savoir un peu plus parce que votre entreprise m’intéresse pour telle et telle raison et je pense que mon profil peut correspondre à votre entreprise ». Dans votre proposition, vous proposez de vous rencontrer à leur bureau.
Cela signifie qu’au moment de l’entretien, vous avez déjà fait vos recherches sur l’entreprise et que vous savez comment présenter votre profil.
La maîtrise de la langue norvégienne est généralement un challenge pour les françaises expatriées en Norvège. Comment faire pour que ce ne soit pas un obstacle à une embauche ?
L’importance de la maîtrise du norvégien peut varier d’un poste à l’autre. Dans les grands groupes en Informatique, dans le Design ou l’Architecture par exemple, vous pouvez ne pas avoir besoin de communiquer beaucoup en norvégien, l’anglais peut suffire. Dans les grandes entreprises aussi, il y a beaucoup d’étrangers, d’expatriés, donc parler anglais peut ouvrir des opportunités.
Il est clair que c’est un atout de parler norvégien. C’est aussi un atout de parler anglais. Par contre, ne parler que français est limitant. Même le Lycée Français d’Oslo exige une certaine maîtrise du norvégien. Il y’a aussi l’Institut Français, comme structure francophone à Oslo. Mais ces structures n’ont pas des postes ouverts en permanence.
Si vous expliquez dans votre lettre de motivation que vous prenez des cours, ils peuvent le voir comme une preuve de votre volonté de vous intégrer et que vous êtes une personne ambitieuse. C’est un signe positif que vous envoyez.

#5 – Concernant le CV, dans quelle langue vaut-il mieux le faire ?

Dans les grandes entreprises, un CV en anglais sera mieux accueilli que dans les petites et moyennes entreprises. Surtout si l’entreprise n’est pas ouverte à l’international, un CV en anglais a de grandes chances de ne pas être réellement considéré.
Cependant, je ne conseille pas d’envoyer un CV en norvégien, si vous ne maîtrisez pas véritablement le norvégien, car le recruteur peut se sentir « arnaquer ». Mieux vaut un CV en anglais avec un titre vraiment accrocheur (titre, spécialité, nombre d’années d’expérience) accompagné d’une lettre qui explique que vous apprenez le norvégien plutôt que d’envoyer des documents en norvégien et qu’ensuite, en situation d’échanges, votre interlocuteur ne s’y retrouve pas.
Est-ce que les diplômes peuvent faire une différence ?
Les Français sont souvent fiers de leur diplômes surtout s’il est d’un niveau élevé ou qu’il vient d’une grande école française. On peut y retrouver la fameuse « arrogance française »…
Alors qu’ici les diplômes ne comptent pas automatiquement. Les personnes vont surtout s’intéresser à votre personnalité, à vos qualités, vos expériences, vos ambitions.
Dans certains postes je dirai que le diplôme est nécessaire bien sûr (ingénieurs, infirmiers, médecins etc.) mais ce n’est pas un gage de réussite lors de la recherche d’emploi, surtout pour des postes ou l’expérience prévaut sur le diplôme (vendeurs, serveurs etc.) Quand je travaillais dans le recrutement opérationnel, mes collègues n’avaient pas forcément de diplômes de droit ou en ressources humaines. Elles étaient anciennement sages-femmes ou infirmières, c’est leur expérience-terrain qui comptait le plus. Pas leur niveau de diplôme.

#6 – Pour finir, tes conseils sur la forme du CV et la lettre de motivation ?

Le CV, il doit faire entre une page et deux pages, avoir un titre accrocheur et commencer par l’expérience la plus récente avec un petit descriptif des missions. Ensuite, un paragraphe dédié aux diplômes, puis aux langues et informatique. Vous pouvez ajouter le titre de vos publications si vous en avez, puis vos hobbies.
Le format avec la mise en valeur des résultats passe très bien, parce que c’est très concret et très parlant.
La lettre de motivation peut être déterminante, elle doit être structurée et adaptée au poste.

Merci Nell 🙂